Un homme de Philip Roth
"- ... Alors quel est votre dernier coup de coeur ?
- Un homme de Philip Roth ! C'est beau, bien écrit mais aussi très sombre... Une réflexion autour de la vieillesse et de la mort, me répond Aurélie
- Je vais me laisser tenter...
Et voilà comment grâce à ma libraire et à ma Toute Petite qui s'agitait dans sa poussette je fis la rencontre de Philip Roth."
"Autour de la tombe, dans le cimetière délabré, il y avait d'anciens collègues de l'agence de publicité new-yorkaise, qui rappelèrent son énergie et son originalité et dirent à sa fille, Nancy, tout le plaisir qu'ils avaient eu à travailler avec lui" . Ainsi s'ouvre le roman : la mort inéluctable d'un homme à la vie à la fois singulière et ordinaire. Une vie marquée par les soucis de santé et la maladie, par le viellissement et ses palliatifs, par la mort des autres et l'imminence de la sienne.
Autour de lui, son frère Howie et sa fille Nancy, ses seuls soutiens. Les autres passent : ils l'ont aimé puis détesté. Plus il sent sa fin arriver plus il essaie de comprendre...
Dans un style travaillé mais sans grandiloquence, ce récit propose, via cet homme, une profonde réflexion sur le temps qui passe, la vieillesse, et la mort. Le personnage principal n'est qu'un homme ou plutôt tous les hommes : le lecteur est cet homme. Il, ou plutôt devrais-je dire "on", éprouve la mort dès son enfance avec la perte des autres, des gens qu'il aimait et des inconnus, mais à chaque fois l'expérience interpelle et interroge. Cette réflexion est indissociable d'une réflexion sur le sens même de la vie, de nos vies.
"Parce qu'il en va pour elle comme pour moi depuis que je suis tout petit. Parce qu'il en va pour elle comme pour tout le monde. Parce que l'expérience la plus intense, la plus perturbante de la vie, c'est la mort. Parce que la mort est tellement injuste. Parce qu'une fois qu'on a goûté à la vie, la mort ne paraît même plus naturelle."
Et si cette peur de la mort était vaine ? "Il n'était plus. Affranchi de l'être, entré dans nulle part, sans même en avoir conscience."
J'achevais cette lecture lorsque nous apprîmes le décès de Maurice Béjart : comment alors ne pas établir de lien entre les mots de Philip Roth et les propos de ce chorégraphe qui refusait d'appréhender la mort car "pourquoi avoir peur de ce qu'on ne peut éviter ? "
Photographie ÓPhilippe Pache