Une fois n'est pas coutume...
… c’est de poésie que je vais vous parler, ou du moins essayer de le faire. En effet, j’ai toujours eu cette impression frustrante d’être hermétique à la poésie. Quand certains s’extasient devant les œuvres de Rimbaud et Baudelaire, moi je souffre en silence de ne pas parvenir à franchir le miroir des mots. Des années durant, je me suis donc contentée de picorer de-ci de-là quelques vers… (fin de ma petite introduction nombriliste !)
Pierre Vendel n’est pas « un Prince d’Aquitaine à la tour abolie » (Nerval), il appartient davantage à ceux « qui interroge[nt] l’abîme, étant [eux]-même[s] gouffre[s] » (Hugo), à ceux qui voient dans les mots une arme tranchante, un couperet pour décapiter les a priori et les extrémismes de ce monde. Funambule est une photographie de notre société, un regard tantôt critique et révolté tantôt amoureux de l’Homme et de l’homme d’aujourd’hui. Pareil à un équilibriste, il avance pas à pas sur le fil de la Vie et du Temps.
Ce recueil s’organise autour de trois axes qui vont de l’Homme à l’intimité de l’homme… sans oublier qu’au plus fond profond de son être, l’Etre porte l’empreinte du monde.
De la lecture de la première partie, me restent du noir et du rouge. En effet, sans doute aidée par les remarquables illustrations de Béatrice Garcia, j’ai associé des couleurs aux mots et aux textes. « Le monde au fil du rasoir » (première partie) est sans nulle doute celle que j’ai le plus appréciée et dans laquelle j’ai retrouvé une part de mes réflexions et de mes angoisses du monde. Dans Dépêche d’un terrien, notre réalité d’occidentaux bien tranquilles nous explose à la figure :
« Un, deux, trois, feu, partez
Au signal, tout l’monde lève le nez
Spectacle, son, lumière
Feu d’artifice à la télé
Le journaliste annonce les guerres
Et toi, tu te ressers un verre.
Coup d’état sur ta fierté
Ton âme sœur chérie t’a quitté
Spectacle, colère, déclic
Tu craques, tu claques, tu prends tes clics
Feu de paille sur ton éthique
Simple état d’âme étatique. »
Pierre Vendel joue habilement avec les mots, martèle les sons, déconstruit les conventions poétiques. Ainsi dans Prologue à la vie :
« Plus d’amour, pas de remord
Professionnel, « ôteur » de torts
Improbité de ta conscience
Centre de production impro
Ductif. Absence de l’enfant pro
Dis-je, avorté »
Certains textes me rappellent la poésie de Tardieu. C’est notamment le cas de Monsieur N ou de « Je » pronom personnel où « Je est personnel / Je est pronom /Je est relatif / Tout est relatif ».
Les deux autres parties du recueil ont trouvé moins d’écho en moi : plus intimistes, plus narratives aussi, elles abordent des thèmes plus lyriques, l’Amour, le Temps, la Mort mais aussi la Paternité. C’est une poésie du cœur aux couleurs plus vives et plus chaudes qui sont… « moins Moi » pour parler familièrement. Le verbe y est tout aussi ciselé ; je vous livre quelques vers que j’ai gardés : « Le silence est tombé / Sans faire de bruit / J’ai fermé le volet / Refait le lit / Ensuite suis sorti / Sans faire de bruit » ( Sans faire de bruit ).
Vous aurez donc compris que la lecture de ce recueil poétique m’aura permis d’aller au-delà de mes appréhensions liées au genre parce que sous des apparences de simplicité les textes de Pierre Vendel véhiculent stylistiquement des idées fortes et nous rappellent que nos idéaux ne sont pas que des « mots abîmés » (Désenchantée de Mylène Farmer). Un univers à découvrir où chacun trouvera une part de lui-même…
Vous pouvez lire d’autres poèmes, ici (jetez un œil Aux bords de la Vivone, les lecteurs que vous êtes apprécieront je pense).
Sources : Funambule, Pierre Vendel, ill couv Béatrice Garcia, Ed Le chasseur abstrait, 2009
Si vous êtes intéressé(e) et que vous peinez à trouver ce recueil, sachez que le mien est prêt à voyager. N’hésitez pas à me contacter (cf adresse ci-contre).